Pelosi alimente le conflit avec la Chine avec sa visite à Taïwan

Après des jours d’intense spéculation et de faux-fuyants, la présidente de la Chambre des représentants des États-Unis, Nancy Pelosi, a atterri à Taipei, à Taïwan, à bord d’un avion de l’US Air Force. Cette provocation irresponsable et réactionnaire de l’impérialisme américain envers la Chine menace de déstabiliser l’ensemble de la région indo-pacifique.

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Derrière le discours hypocrite sur la défense de la « démocratie », l’objectif de Pelosi est en réalité de promouvoir les intérêts étroits de l’impérialisme américain et les intérêts électoraux encore plus étroits du Parti démocrate. De son côté, la classe dirigeante chinoise a profité de l’occasion pour détourner l’attention de la crise intérieure croissante en la portant sur les « ennemis étrangers ».

Pelosi, qui occupe le troisième poste le plus élevé de l’État américain, a mené une longue carrière parlementaire consacrée à s’attaquer aux intérêts de la classe ouvrière américaine, et est une politicienne profondément impopulaire dans son pays.

À l’instar du tout aussi impopulaire président Biden, qui a injecté des dizaines de milliards de dollars dans la guerre par procuration entre les États-Unis et la Russie en Ukraine, Pelosi veut « jouer les durs » sur les questions internationales. Cette volonté est particulièrement marquée à l’approche des élections de mi-mandat.

Elle a donc décidé de se rendre à Taïwan – la personnalité politique américaine la plus importante à le faire en 25 ans – afin d’humilier directement la Chine, qui considère l’île comme faisant partie de son territoire.

Avant la guerre en Ukraine, Pelosi avait déjà annoncé son intention de se rendre à Taïwan. Son projet avait été retardé par une infection à la COVID-19, mais devait été reporté, selon un reportage du Financial Times à la mi-juillet.

Lorsque son projet de visite en Asie a été annoncé, Taïwan ne figurait pas dans l’itinéraire officiel, bien qu’elle n’ait pas non plus confirmé ni infirmé la visite prévue.

Tout au long de ce processus, la Chine a réagi par diverses menaces, indiquant clairement qu’elle considérait cela comme une provocation majeure. Le porte-parole des Affaires étrangères, Zhao Lijian, a averti que « l’Armée populaire de libération (APL) ne restera jamais les bras croisés. La Chine prendra des mesures fortes et résolues pour préserver sa souveraineté et son intégrité territoriale ».

Dans les six jours précédant la visite, pas moins de trois ministères chinois ont émis neuf avertissements contre sa visite. Pelosi les a tous effrontément ignorés.

Pour sa part, le gouvernement taïwanais, désormais sous l’administration du Parti démocrate progressiste (PDP), pro-américain, a commencé par affirmer le 19 juillet qu’il n’avait pas connaissance du projet de visite de Mme Pelosi, jusqu’à ce que le premier ministre Su Tseng-chang finisse par affirmer vaguement qu’il était « heureux de recevoir des visiteurs étrangers » lorsqu’on lui a demandé de confirmer l’arrivée effective de Pelosi, quelques heures avant que celle-ci n’atterrisse.

Mais très peu de « visiteurs étrangers » auraient droit à une escorte de la marine américaine. En plaçant une flotte menée par un porte-avions dans les eaux à l’est de Taïwan, les États-Unis affichent clairement leurs intentions belliqueuses.

Que faisait Pelosi à Taïwan?

La visite de Mme Pelosi s’inscrivait dans le cadre d’une tournée des alliés des États-Unis en Asie, dans le but évident de les rallier contre la Chine, le principal concurrent des États-Unis pour les marchés et l’influence sur la scène mondiale. La brève apparition de Pelosi (elle a quitté précipitamment le pays à 16h45 le lendemain de son arrivée) constitue un affront largement symbolique au principal rival des États-Unis.

Mais pourquoi mettre en scène un tel affront? Et pourquoi maintenant?

Le déclin relatif et continu de l’impérialisme américain a récemment été mis en évidence par des défaites humiliantes qui ont sérieusement ébranlé son autorité. Après la débâcle de la guerre de 20 ans en Afghanistan, les États-Unis risquent un nouvel échec coûteux dans leur guerre par procuration avec la Russie en Ukraine.

Si l’Amérique reste la première puissance impérialiste mondiale, il est clair pour tous qu’elle ne peut plus imposer sa volonté en toute impunité. Ses rivaux commencent à montrer leurs muscles et à chercher à sécuriser leurs propres sphères d’influence.

La Chine, deuxième puissance mondiale en matière économique et militaire, étend ses propres marchés et son influence géopolitique aux dépens de l’Amérique, en particulier dans son « arrière-cour » de la région indo-pacifique, et effectue des exercices militaires de plus en plus fréquents pour montrer ses dents.

Ainsi, la visite Mme Pelosi vise en grande partie à rappeler à la Chine que l’impérialisme américain est toujours le gros bonnet de la politique mondiale et qu’il ne se laissera pas « intimider » par un opposant arriviste.

Cette bravade a été quelque peu sapée par les divisions dans les rangs de la classe dirigeante américaine. En effet, le bureau de Biden et le Pentagone se sont opposés au voyage de Pelosi, qui risque d’ouvrir un tout nouveau front avec une puissance nucléaire hostile, alors qu’ils sont encore plongés dans le bourbier ukrainien.

Pelosi est particulièrement connue pour ses comportements provocateurs à l’égard de la Chine, et il est évident que Biden n’a pas réussi à la retenir, alors qu’il a ouvertement admis que ce voyage n’était « pas une bonne idée pour le moment ». Ces dissensions au sommet sont une preuve supplémentaire de l’affaiblissement de l’impérialisme américain.

Le chaos qui règne sur les marchés mondiaux et la montée du protectionnisme ont également placé Taïwan sous les feux de la rampe. Ce pays produit la majeure partie de l’offre mondiale de micropuces et est le deuxième plus grand fabricant de semi-conducteurs (après la Chine et la Corée du Sud). Les États-Unis et la Chine tiennent à sécuriser leur approvisionnement en ces composants essentiels, suite à l’explosion de la demande d’appareils électroniques pendant la pandémie.

Les États-Unis ont récemment investi massivement pour produire des puces à semi-conducteurs sur leur territoire afin de réduire leur dépendance vis-à-vis de Taïwan, mais il s’agit d’un processus lent et coûteux. Ils ont également fait pression sur la Taiwan Semiconductor Manufacturing Company (TSMC) pour qu’elle réduise ses ventes à la Chine, tout en l’incitant à ouvrir des usines aux États-Unis, obligeant ainsi les Taïwanais à céder aux États-Unis la technologie cruciale utilisée dans la fabrication des semi-conducteurs.

Dès qu’il est devenu évident que le voyage allait avoir lieu, un jeu de poules mouillées s’est ouvert, dans le cadre duquel la délégation de Pelosi ne pouvait pas reculer de peur de paraître intimidée par la Chine, ce qui aurait sans aucun doute été exploité par les républicains lors des élections de mi-mandat. Pour un gain aussi insignifiant, la première puissance impérialiste du monde s’est engagée dans une escalade des tensions avec un rival nucléaire.

De même, le Parti communiste chinois (PCC) est maintenant obligé de mettre ses menaces à exécution, sous peine de voir son propre prestige diminuer. De plus, à mesure que le capitalisme chinois s’enfonce dans la crise, exacerbée par des mesures de confinement dures et impopulaires pour contrôler la COVID-19, le PCC s’appuie de plus en plus sur des postures chauvines contre Taïwan comme moyen de détourner l’attention de sa propre classe ouvrière.

Dans cette situation hautement volatile, une seule étincelle pourrait avoir un effet déstabilisateur catastrophique.

Les vraies intentions des États-Unis

Cette visite a également fourni aux politiciens bourgeois de Taïwan l’occasion de déclarer leur fidélité aux États-Unis, en se présentant comme des « défenseurs de la démocratie taïwanaise ». Dans les minutes qui ont suivi l’atterrissage de Pelosi, plusieurs ténors du DPP ont publié des photos avec elle sur leurs médias sociaux.

L’impérialisme américain est totalement indifférent aux intérêts et aux souhaits du peuple taïwanais. N’oublions pas que ce sont les États-Unis qui ont permis au régime extrêmement brutal du Kuo-Min-Tang (KMT) de Chiang Kai-shek de se maintenir à Taïwan après avoir été expulsé de Chine lors de la révolution de 1949. Avec le soutien des États-Unis, les droits culturels et démocratiques du peuple taïwanais ont été restreints pendant des décennies sous Chiang.

À partir des années 1970, l’évolution des intérêts des États-Unis dans la région les a conduits à abandonner partiellement leur soutien à la dictature du KMT pour établir des liens plus étroits avec la Chine en tant que contrepoids à l’URSS.

À cette fin, les États-Unis ont orchestré l’expulsion de la République de Chine de Chiang de l’ONU et ont accueilli la République populaire de Chine de Mao pour la remplacer. Mais pour garder le contrôle de la situation, les États-Unis ont continué à apporter un soutien informel à Taïwan en tant qu’État distinct, la laissant dans un étrange flou dans lequel elle se trouve encore aujourd’hui.

Aujourd’hui, les États-Unis s’appuient sur les dirigeants bourgeois du PDP, qui ont autrefois combattu la vieille béquille de l’impérialisme américain, la dictature du KMT. Leur politique à l’égard de l’île a changé au fil des décennies, mais une constante demeure : cette politique est ancrée dans leurs intérêts impérialistes.

Les États-Unis ont-ils soudainement un réel désir de défendre les droits démocratiques du peuple taïwanais? Pas le moins du monde. Que ce soit par son soutien à la monarchie saoudienne, qui commet des atrocités innommables au Yémen, ou par sa trahison des Kurdes, les États-Unis ont amplement démontré que leur souci de la « démocratie » n’est qu’une simple feuille de vigne pour leurs intérêts impérialistes.

La subordination des masses de l’île aux caprices de la puissance impérialiste la plus brutale et la plus réactionnaire du monde est présentée comme la « défense de la démocratie de Taïwan ». Taïwan n’est que de la petite monnaie dans les manœuvres de l’impérialisme américain pour maintenir sa domination sur le monde.

La réaction de la Chine

Après ses discours belliqueux, l’insistance de Pelosi à se rendre à Taïwan était sans aucun doute humiliante pour le régime du PCC. Malgré ce qu’il a dit à ses propres masses, le régime ne peut pas, après tout, dicter absolument ce qui se passe dans ce qu’il revendique comme son propre territoire.

En guise de réponse initiale, la Chine a imposé un certain nombre de restrictions commerciales sur des milliers de produits taïwanais. Elle a ensuite annoncé un exercice de tir réel à grande échelle dans les eaux contrôlées par Taïwan pendant six jours, ce qui, selon Taïwan, équivaut à un blocus. Plus tard, le ministère taïwanais de la Défense a indiqué qu’environ 21 avions de l’Armée populaire de libération avaient pénétré dans la zone d’identification de défense aérienne de Taïwan.

Si la guerre en Ukraine nous a appris quelque chose, c’est que dans l’ère actuelle de conflits grandissants entre les puissances impérialistes, les événements peuvent acquérir une logique qui leur est propre. Nous ne pouvons compter sur la « rationalité » de la classe dirigeante d’aucun camp. La visite de Pelosi à Taiwan est, en premier lieu, une provocation profondément imprudente. Elle menace la sécurité des populations des deux côtés du détroit.

Il est tout à fait possible que la Chine prenne d’autres mesures substantielles pour punir Taïwan. Reste à savoir quelles seront ces mesures. L’une des possibilités est un blocus naval complet, qui risque également de provoquer une escalade avec les forces navales américaines et japonaises.

Peu importe les développements à venir, par leur stupidité impulsive, les impérialistes américains ont sérieusement perturbé une situation délicate. Bien que la Maison Blanche tente de calmer le jeu en soulignant qu’elle « ne soutient pas l’indépendance de Taiwan », Pelosi a bouleversé du jour au lendemain des décennies d’ambiguïté diplomatique soigneusement construite, au nom d’intérêts politiques à court terme.

La déchéance sénile du capitalisme américain et mondial va d’une crise à l’autre, mettant à chaque fois d’innombrables vies en danger. La classe ouvrière en Asie, aux États-Unis et dans le monde entier doit régler ses comptes avec sa classe dirigeante respective pour mettre fin à cette folie, par la révolution socialiste.

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