Italie : un travailleur tué sur un piquet de grève à l’extérieur d’un entrepôt GLS à Plaisance French Share TweetDes événements tragiques ont eu lieu dans la nuit de mercredi dernier à Plaisance à l’extérieur d’un dépôt de l’entreprise de livraison GLS, au nord de l’Italie ! Alors qu’il tenait un piquet de grève, Abd Elsalam Ahmed Eldanf, travailleur égyptien de 53 ans, a été percuté et tué par un camion. Selon des témoins, les managers avaient incité le conducteur à charger le piquet.Ceci survient en pleine lutte des travailleurs du secteur logistique (livraison de colis) en Italie. Comme dans tous les pays, les conditions de travail sont de plus en plus précarisées, les droits des travailleurs sans cesse attaqués, et nombreux sont ceux qui doivent travailler comme « indépendants » ou encore au noir.Mais en Italie, les travailleurs de la logistique ont contre-attaqué, en ayant la tâche de s’organiser non seulement contre les patrons, mais également contre les syndicats officiels (CGIL, CISL, UIL) dont les dirigeants n’ont été que trop disposés à brader les droits des travailleurs. Dans ce contexte, des syndicats en rupture avec les officiels et s’appuyant véritablement sur leur base, comme Sicobas et USB, ont organisé la lutte pour mettre un frein à l’offensive patronale.Vidéo du rassemblement quelques heures avant le meurtreEn 2014, les syndicats officiels ont conclu un accord avec les patrons du secteur vers une plus grande flexibilité du travail. Habituellement, dans la logistique, les travailleurs ne sont pas directement embauchés par l’entreprise principale, mais se retrouvent comme sous-traitants pour des coopératives extérieures ou de plus petites entreprises. Une des demandes des syndicats de base était de mettre un terme à ce système et de faire embaucher les travailleurs par l’entreprise pour laquelle ils travaillent en réalité.Fin 2014, un certain nombre de grèves ont été organisées pour appuyer ces revendications, mais les patrons ont usé de tactiques permettant de reporter des négociations sérieuses. Une grève soudaine a alors eu lieu en décembre, lancée par les travailleurs des entrepôts de GLS : ils bloquèrent les sites de Rome, Bologne, Plaisance, Vérone et Padoue. Face à cette détermination, GLS a concédé un nouvel accord, qui améliorait celui signé par les syndicats officiels.Une des demandes consistait en la reprise des travailleurs d’une compagnie sous-traitante sortante par une compagnie entrante, qui remporte un nouvel appel d’offres. Ceci permettait de garantir aux travailleurs une certaine stabilité d’emploi, et a été accepté par GLS. En quelques semaines, d’autres grandes entreprises de logistique ont été obligées d’approuver le même accord, signé en février 2015.Aujourd’hui, GLS veut renier ses engagements. Il est clair que dès février 2015, les dirigeants avaient déjà en tête de ne faire des concessions que pour inciter les travailleurs à reprendre à leur poste… pour mieux revenir ensuite sur ce qui avait été concédé.Mercredi 14 septembre, des représentants d’un des syndicats de base, l’USB, négociaient donc avec la direction dans un bar à l’extérieur de l’entrepôt GLS de la petite ville de Montale, dans la province de Plaisance. La rencontre a eu lieu dans un bar car les patrons n’avaient pas permis aux délégués syndicaux de rentrer dans l’entrepôt. Au fil de la discussion, il est clairement apparu que les patrons revenaient sur tous les accords de l’année précédente.Face à cette intransigeance, les délégués syndicaux sont sortis et ont appelé les travailleurs, déjà rassemblés aux barrières de l’entrepôt, à empêcher tous les camions d’entrer ou de sortir. C’est à ce moment que le drame a eu lieu.Lorsque la direction a vu la ligne formée par une trentaine de travailleurs, ils ont donné l’ordre aux conducteurs de forcer le passage. L’un d’entre eux a foncé sur le piquet de grève et percuté deux hommes, en traînant un sur plusieurs mètres et provoquant sa mort.Le conducteur n’a même pas essayé la technique habituelle d’approche lente vers le piquet pour voir si les travailleurs bougeraient ; il les a chargés à 40-50 km/h. Selon des témoins directs, un des managers criait « vas-y, vas-y ! », incitant le conducteur à plonger sur le piquet. Le frère du travailleur tué, Elsayed Eldani, a souligné que « le manager de l’entrepôt GLS incitait le camion à renverser les travailleurs qui formaient un piquet de grève ».Le frère décrit les faitsSelon les mêmes témoins, la police qui regardait la scène n’a rien fait pour empêcher le drame, intervenant seulement a posteriori pour arrêter le conducteur, alors qu’il faisait face à la fureur du piquet. Le procureur affirme maintenant qu’au moment de l’accident il n’y avait ni piquet, ni mouvement de protestation de la part des travailleurs. Le conducteur a été relâché et l’affaire classée « accident de la route ». Mais des vidéos montrent que le rassemblement durait depuis plusieurs heures (une a été tournée au moins une heure et demie avant le meurtre). Plusieurs travailleurs ont décrit ce qui s’est véritablement passé : un meurtre de sang-froid.Abd Elsalam Ahmed Eldanf était le père de cinq enfants. Il n’était pas lui-même intérimaire, mais avait un contrat à durée indéterminée. Il se battait pour les autres, pour qu’ils puissent eux aussi jouir d’une certaine stabilité d’emploi. Aujourd’hui, il est mort. Mais la lutte dont il faisait partie se poursuit. L’entrepôt GLS de Plaisance continue d’être bloqué par des piquets et des grèves, et des manifestations sont organisées sur de nombreux lieux de travail à travers l’Italie, par les travailleurs de tous les syndicats, syndicats officiels inclus comme la CGIL ou même la CISL. Les syndicats métallos de ces confédérations sont particulièrement actifs. Samedi 17 septembre, une manifestation a eu lieu à Plaisance.La mort tragique d’Abd Elsalam Ahmed Eldanf témoigne de l’entrée dans une nouvelle période, faite d’une lutte de classe acharnée. En Italie, les patrons renvoient les travailleurs aux conditions des années 1950 ; mais il y a une limite à ce que les travailleurs peuvent endurer, et la résistance du secteur logistique témoigne d’un changement d’état d’esprit. Abd Elsalam Ahmed Eldanf est mort, mais il demeure présent partout où les travailleurs se lèvent et ripostent pour leurs droits.Manifestation à PlaisanceLe comité de rédaction de In Defence of Marxism, le site web de la Tendance Marxiste Internationale (TMI), exprime sa solidarité totale avec les travailleurs de GLS et envoie ses sincères condoléances à la famille d’Abd Elsalam Ahmed Eldanf. La SCR (section italienne de la TMI) est intervenue le 17 septembre lors de la manifestation à Plaisance et a publié le 15 septembre un appel signé par de nombreux délégués syndicaux du secteur logistique.